Ta mort à moi / La bête intégrale

04 février 2021

Critique par Raymond Lambert

En guise d’introduction à l’univers du romancier David Goudreault, nous pouvons dresser la table avec la citation suivante, glanée à la page 248 (Réflexions préparatoires n°14) de son roman Ta mort à moi: «Le droit des laids, des mesquins, des fourbes, des pervers et des lâches à être représentés en art est trop souvent négligé. Ils existent ces méprisables du quotidien, ils pullulent même, ce serait la moindre des choses de les retrouver aussi sur nos écrans et dans nos livres. Ne serait-ce que pour mieux nous consoler.»

La trilogie de La bête nous dévoile le parcours déchaîné du narrateur à travers une série d’aventures, tout aussi intempestives les unes que les autres, pour retrouver sa mère, qui l’a abandonné en bas âge. Sa démence le conduit à commettre une série d’actes violents invraisemblables, propres à soutenir l’intérêt des lecteurs de tout acabit du début à la fin, sans interruption.

À l’inverse, Ta mort à moi nous présente un personnage central, Marie-Maude, qui, elle, tente désespérément de s’éloigner de ses parents. Ses aventures sont tout aussi inimaginables que celles de La bête. Par contre, le rythme de l’action de ce roman est volontairement entrecoupé de notes diverses de l’auteur et la numérotation des chapitres ne respecte pas l’ordre chronologique habituel. Le suspens qui tient généralement en haleine le lecteur traditionnel risque d’être mis à l’épreuve par ces fantaisies de l’auteur. Cependant, en cours de route, on arrive à s’adapter à cette présentation originale et même à y prendre plaisir.

L’auteur explique sa démarche en page 38 du roman dans Réflexions préparatoires n°8: «Toute histoire devrait être présentée dans une séquence explicative, peu importe l’ordre des événements. La vie n’a pas de sens, c’est le récit qu’on en fait qui lui en donne. Quelle idiotie de prétendre raconter quoi que ce soit de pertinent si on demeure figé dans la rigidité linéaire.»

En conclusion, il ne semble faire aucun doute que l’expérience de travailleur social, qui apparaît au curriculum vitae de l’auteur, a influencé les thèmes exploités dans ses premiers romans. La trilogie de La bête et Ta mort à moi illustrent bien à quel point l’incapacité des parents à combler les besoins affectifs de leurs enfants pendant leur tendre enfance peut engendrer des créatures inaptes à vivre en société. L’auteur nous présente des personnages déjantés, doués d’une intelligence hors du commun, pouvant commettre des délits de toutes sortes, tout en nous les rendant malgré tout sympathiques, par le mal de vivre qui les rongent de l’intérieur. Les réflexions sérieuses disséminées ici et là à travers ces deux romans ajoutent beaucoup de profondeur à ces oeuvres originales.

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Pour lire les critiques de Julien Renaud sur la trilogie La bête:

La bête à ma mère, cliquez ici.

La bête et sa cage, cliquez ici.

Abattre la bête, cliquez ici.

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