Ce qu’on respire sur Tatouine
27 octobre 2021
Critique par Julien Renaud
Il y a longtemps que je souhaitais lire ce roman, que j’ai finalement écouté sur l’application OHdio d’ICI Radio-Canada.
Parlons d’abord de la forme. Il s’agissait de ma première écoute de longue durée – plus de cinq heures – d’un livre audio, n’ayant opté pour ce format que pour de la poésie ou des albums jeunesse. Il m’a été difficile de maintenir une pleine attention et de résister à la tentation de faire mille et une autres choses en même temps. Mais le fait qu’il y ait plus d’un comédien pour donner vie au texte, le jeu des effets sonores et les trames musicales nous donnent un coup de main en ce sens. Marc-André Grondin, qui prête sa voix au personnage principal, livre d’ailleurs une performance impeccable. Les sept épisodes sont introduits par un narrateur qui copie le style de Star Wars pour situer l’action… et ajouter une gravité absurde à l’intrigue.
Le fond, maintenant. Le roman s’articule autour d’un protagoniste atteint de la fibrose kystique qui rêve d’échapper à sa vie misérable de sous-sol de Repentigny pour une planète qu’il créerait sur mesure, Tatouine, un des nombreux clins d’oeil à Star Wars. Bien que je n’aie pas pu saisir l’ensemble des références à la série de films préférée de plusieurs, j’ai aimé ce monde parallèle où s’évadait notre narrateur. Construire un tel imaginaire demande une certaine intelligence, tout comme l’humour et l’autodérision dont il fait preuve.
« I love Repentigny. I love fibrose kystique. I love Super C. I love Normand déguisé en père Noël. »
J’ai donc cru que le personnage principal, aussi poète à ses heures, allait finir par s’accrocher à la lumière de sa curiosité pour se sortir de son trou, mais non, il s’enfonce, s’enfonce et s’enfonce. Chaque fois qu’il me devenait sympathique, il me dégoûtait d’une nouvelle façon – en crachant dans une boîte de souliers, par exemple. Pourquoi un être à la fois drôle et intelligent ne cesse-t-il de se saboter?
«Je respire pas comme une paille. Je suis une paille.»
Certes, il fait pitié, mais il finit par mériter toute cette pitié. Et là, je ne fais pas référence à sa maladie. Non, c’est son attitude, le problème, sa lâcheté. Pour moi, la maladie est une épreuve qui fait grandir; pas une excuse pour justifier une paresse sans fin. Et c’est pourtant ce que nous offre le personnage – et l’auteur, lui-même atteint de cette maladie, ce qui m’a surpris au plus haut point. Je peine à comprendre le propos de l’oeuvre de Réhel quant à la maladie, car je n’y ai perçu que du négatif. La maladie est un frein, certes, mais le malade doit retirer son pied de la pédale et avancer autrement. Là, il l’enfonce, la pédale; il s’enfonce, lui.
Alors que le héros affirme chercher à ramener l’équilibre dans la force, à travers une quête du bonheur, il n’en est rien. Non, il ne se nourrit pas d’espoir, même lorsque de belles rencontres surviennent dans sa vie, une collègue de travail avec qui tout est si simple et un propriétaire hyper attachant. Même lorsque sa soeur cherche à lui donner un nouvel élan. Non, c’est un bon à rien, un minable et un misérable, bien qu’on refuse trop longtemps de se l’avouer, comme lecteur. Parce que tant de potentiel dort en lui.
Néanmoins, la plume exceptionnelle de l’auteur m’a charmé, me faisant presque oublier mes doléances sur le récit. Jean-Christophe Réhel joue avec les mots avec une aisance déconcertante, et il m’est impossible de compter le nombre de fois où j’ai ri et souri devant des petits bijoux de style et un sens de l’humour à faire rougir. J’ai donc éprouvé un malin plaisir à écouter le roman, et ce n’est qu’après coup que j’ai réalisé que je n’avais apprécié son essence.
Tant de fous rires partagés pour si peu…
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