Scrooge
10 janvier 2021
Critique par Micheline Poulin

«À la marche rythmée des mortelles secondes / Au temps assassin qui, en tout recoin du monde / Saura nous retrouver – à vous qui savez / Humblement, je dédie ce conte dépravé» – L.P. Sicard
Le roman Scrooge est divisé en cinq parties compartimentant un texte d’une rare intensité où nous voyageons dans des espaces et/ou des temps différents. Une liste musicale (de belles découvertes!) accentue le drame qui se joue à travers ces pages d’un conte de Noël revisité et franchement interdit. Rien à voir ici avec l’histoire de l’avare solitaire qui, une nuit de Noël, alors que visité par trois fantômes des Noëls passé, présent et futur, redécouvre l’esprit de Noël, la générosité, le partage et la bienveillance. J’ai pourtant reconnu les éléments les plus importants de l’histoire originale.
Dans le Scrooge de L.P. Sicard, j’ai marché dans les pas de Rebecca, une jeune fugueuse qui se trouve confrontée, pendant un hiver montréalais, à la mendicité quotidienne, à l’estomac vide, à la bataille pour son coin de rue devant la boutique de Scrooge et Marley… J’ai ressenti sa solitude, le froid, et j’ai rêvé d’un chocolat chaud. Avec elle, j’ai croisé plusieurs personnages qu’il vaut mieux ne pas croiser. L’humanité se trouve aussi revisitée et l’image, tel un miroir de notre société, ne présente ici rien de réjouissant…
«Les souffrances des autres n’ont de valeur que si elles risquent de nous atteindre.»
Les paradis artificiels, l’obsession du temps et un compte à rebours vers Noël sont au coeur du roman.
«Le futur souffre du temps qui passe, comme d’une entaille qui se gâte, comme d’une affection incurable.»
«Le passé est notre dernière prison.»
Se retrouver dans la peau du magnifique personnage de Rebecca a drainé mon énergie. Dès le début, Scrooge a exercé une réelle fascination sur moi. Je voulais savoir ce que l’auteur en ferait et je n’ai pas été déçue. Je n’en dirai pas plus que cette citation: «Les douleurs nous définissent bien plus que les joies; nous sommes le résultat de nos échecs, de nos peines et de nos blessures.»
Dès les premiers mots, j’ai eu l’impression de retrouver un ami. Pas le personnage de Scrooge, mais bien la plume douce, poétique et rythmée de L.P. Sicard. Wow! Une écriture enrichie d’un vocabulaire et d’une syntaxe recherchés et la création d’un univers où les voyages visitent la peur, l’anticipation cruellement froide et l’horreur absolue.
Je suis de ces Québécois qui apprécient les romans noirs, voire très noirs. Scrooge est un roman que j’ai trouvé dur et qui m’a remuée profondément. La présentation, avec sa page couverture magnifique au fini velours, est un autre point fort.
L.P. Sicard m’a gâtée avec son Scrooge intrigant et secret, vivant dans son monde, en marge de la société. Un coup de coeur! Je le recommande aux amateurs de romans noirs.
Quatrième de couverture | «Une inquiétante boutique que nul n’ose approcher. Des rumeurs sordides circulant dans les ruelles de la métropole. Une jeune femme blessée, prête à tout pour fuir le passé. Un vieillard défiguré que l’avenir obsède. Et l’instant même, qui ne devient plus qu’un interminable cauchemar. Charles Dickens, dans son Conte de Noël, présente Scrooge comme un vieil homme avare et détestable. Cette réécriture des ”Contes interdits” lui ajoute une obsession maladive et meurtrière pour le temps: ce nouveau Scrooge doit être craint comme la peste noire. Pourtant, une étrangère ignore les avertissements à l’égard de cet homme. Et celle-ci, entraînée dans les bas-fonds de la démence, comprendra bien vite que son temps est compté.»
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