Rebecca
10 novembre 2020
Critique par Émilie Morin
Après avoir longuement délibéré de la pertinence d’écrire une critique sur un classique aussi réputé et acclamé que Rebecca, j’ai réalisé qu’il était probablement important de le faire. Selon moi, critiquer un classique, c’est lui permettre de vivre à travers de nouvelles voix, d’atteindre un nouveau bassin de lecteur.rice.s et de réinvestir notre espace littéraire commun. La critique ne sert pas seulement à publiciser un roman; elle sert d’abord et avant tout à le positionner dans le champ littéraire de celui ou celle qui le lit et à proposer une lecture selon l’espace littéraire actuel. Voici donc mon impression de ce livre très populaire qui vient de donner naissance à une nouvelle adaptation sur Netflix.
Dans Rebecca, une jeune femme inconnue nous raconte comment elle se rend à Manderley, luxueuse demeure ancestrale de Maxim de Winter, après avoir marié celui-ci. Une fois là-bas, elle est complètement écrasée sous le poids de l’ombre de Rebecca, ex-femme de Maxim, morte noyée quelques mois plus tôt, et peine à s’affirmer pleinement en tant que nouvelle Madame de Winter.
Quel merveilleux roman que celui-ci! Mes attentes ont été complètement déjouées: alors que je m’attendais à un thriller psychologique, où la résolution de l’intrigue serait une question de perception de la part de la narratrice, j’ai plutôt eu droit à une explication logique et tangible, chose qui était loin de me déplaire. J’ai beaucoup aimé comment Daphne du Maurier aborde le caractère humain: la tolérance, le respect des limites, le besoin de se sentir aimé.e et l’attachement au lieu sont tous des aspects qui portent à réfléchir et qui sont encore pertinents aujourd’hui. À ceux et celles qui diront que les réflexes dépendants de la narratrice ont mal vieilli, je leur répondrai simplement de jeter un coup d’oeil à la société d’aujourd’hui. Malheureusement, la réalité de l’amour paternaliste de Rebecca est encore bien présente de nos jours, et les questions dérangeantes que pose la relation entre Maxim de Winter et la narratrice sont (malheureusement) encore trop d’actualité.
On dit parfois de certains lieux romanesques qu’ils font office de « personnages » au sein de leur roman. C’est le cas de Manderley, ce mystérieux manoir, qui me semble être l’emblème ultime du roman gothique. Sa présence est non seulement cruciale à l’ambiance un peu sinistre qu’établit du Maurier, c’est aussi la clef du mystère: seul.e un.e lect.eur.rice qui comprend toute l’ampleur et l’importance de la demeure sera en mesure d’apprécier pleinement cette oeuvre. Pour ma part, je dois admettre que j’ai rarement autant apprécié une lecture classique; après avoir fini de lire «Rebecca» sur ma liseuse, je me suis empressée d’en acheter un exemplaire au format papier, convaincue que je relirai ce chef d’oeuvre maintes fois au cours des prochaines années.
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