Méconnaissable
16 mars 2020
Critique par Julien Renaud
Valérie Jessica Laporte est un «bleuet atypique», le nouveau nom de son blogue, où elle démocratise l’autisme. J’existe et nous existons, clame la Saguenéenne.
Avec Méconnaissable, elle nous invite, lectrices et lecteurs neurotypiques, dans la tête d’une jeune fille atypique comme elle. Ce choix de narration nous permet de voir, d’entendre, de sentir, de toucher et de réfléchir la vie à leur façon. Mais surtout d’agir et de réagir à leur façon.
Vite, on réalise que la ligne est mince entre l’équilibre et le déséquilibre, le contrôle et la crise. La petite tente de maintenir une bille en équilibre sur son fil de vie. Elle réussit, mais échoue aussi. «Les choses inégales me font mal comme des menottes de tête qui empêchent les idées de bouger.»
Ce livre, c’est donc une incursion directe dans un mode de pensées différent. Une expérience de lecture aussi enivrante que pertinente, portée par une plume fluide et une intrigue captivante. On lit avec empathie et on sourit aux moments de bonté.
La jeune fille décide de fuguer, tannée de faire du mal aux autres, notamment à sa famille, qui, maladroitement, rejette sa différence et agit ainsi en inéquation avec sa réalité. Sa mère, surtout. «Il était maintenant évident que je n’arriverais pas à exister comme un morceau compatible de l’univers-famille ou de l’univers-école.»
En quelque sorte, on lui a enseigné que sa palette de couleurs n’était pas la bonne. «Je voulais un peu de rose pour comprendre les émotions des humains. Je voulais du jaune pour apporter de la joie au lieu des problèmes. Je voulais du vert pour avoir confiance […] Je voulais du bleu, car les gens aiment le bleu même s’ils ne le savent pas. C’est pour ça qu’ils regardent toujours le ciel. J’aurais aimé qu’on me regarde comme un ciel.»
Cette cavale devient source d’affirmation, de dépassement et d’espoir. La jeune fille conclut un pacte d’amitié, rencontre pour la première fois d’autres enfants autistes, «avec des morceaux de comment je suis, mais visibles, non cachés», et abandonne les mots.
Une leçon puissante en rejaillit. La conformité, c’est «oublier notre identité-base». La différence, «c’est beau».
Il est tellement plus facile de tenir des billes bleues et vertes dans un bracelet qu’en équilibre sur un fil de vie. Il devient alors plus simple d’attacher les «morceaux-moi» trop souvent «éparpillés».
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