Les désordres amoureux

06 juillet 2022

Critique par Julien Renaud

Roman d’autofiction misant sur une écriture aux épices d’ironie et d’autodérision, Les désordres amoureux s’inscrit dans la signature québécoise contemporaine d’impudeur et de « trashitude » plus ou moins dosée. Comme plusieurs oeuvres du genre, malheureusement, l’autrice et le style l’emportent sur l’histoire, qui manque un peu d’originalité.
 
Marianne, « grande brûlée des sentiments », se met à nu, se dévoile et se critique; elle se construit, se déconstruit et se reconstruit, sans arriver à une version achevée d’elle-même. « Une certitude: je me rends malheureuse. »
Trois quêtes s’entrecroisent.
 
 
D’abord, il y a son rêve d’écrire un roman, une base narrative surutilisée qui écrase la fiction pour en faire de l’autofiction, ce que la narratrice déplore d’elle-même. « J’ai toujours dit que jamais je ne tomberais dans le piège de l’autofiction. J’aurais le courage et l’imagination de tout inventer. » 
 
Ensuite, il y a son désir d’arrêter d’enchaîner les « catastrophes affectives ». « Personne ne me force à préférer, parmi une multitude de gentils, de meilleurs, les grands malades du coeur. À moins que ça ne soit moi, la vraie malade du coeur ? »
 
Puis, il y a une tentative de recul salutaire par le voyage, en Colombie, « un prétexte pour une lune de miel avec moi-même ».
 
L’amour recherché, l’amour propre, l’amour qui grafigne et l’amour en déséquilibre dévoilent petit à petit toutes les cicatrices de cette jeune femme en quête de sens, une trame qui peut résonner pour plusieurs lecteur.rice.s de la génération de Marie Demers. La vie adulte exige-t-elle une maturité comme droit d’entrée ou peut-on continuer à avancer en zigzag ?
 
La force de cette oeuvre s’exprime par de petits bijoux de phrases ici et là, véritables guimauves Lucky Charms dans un pot de céréales. Elles m’ont fait jalouser la plume de l’autrice, qui cumule les images à la fois puissantes et pissantes. « Le genre de message qui donne envie d’avaler un sandwich au verre concassé. » « Nos cerveaux semblent avoir été conçus dans la même usine, peut-être façonnés par le même ouvrier. » « Je voudrais juste qu’il m’aime moi. Et puis je l’enverrais chier. » « Certaines personnes sont nées pour faire chier. » « Ce pouvoir de fabriquer l’universel à base d’intime. »
 
J’aimerais bien retrouver cette plume assumée et colorée dans une histoire qui s’éloigne de l’autofiction et de la trame de l’écrivaine en devenir. Clairement, un petit génie dort dans la lampe de Marie Demers.
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