La bouche pleine

24 novembre 2020

Critique par Micheline Poulin

«Je traîne ma grosse couverte jusque dans le salon et je m’écrase en bobettes sur mon vieux sofa moelleux. Je scrolle Instagram: des gens qui brunchent, des gens qui cuisinent santé, des gens qui gravissent des montagnes, des gens qui lisent, des gens qui se promènent en amoureux dans le Vieux-Port. Moi, mes cheveux gras, mon haleine de cheval et mon trait d’eye-liner d’y a deux jours, on se sent soudainement pas pire pathétiques.»

«Camille, une grande anxieuse au coeur poqué, s’enfile les coups durs comme autant de gorgées de vin cheap. Elle tente tant bien que mal (mais surtout mal) de garder la tête hors de l’eau, de noyer ses malheurs qui sonnent faux.»

Ce premier roman de la journaliste Elisabeth Massicolli m’a secouée, du rentre-dedans! L’écriture est directe, crue, très québécoise. Et j’ai aimé dès les premières phrases.

L’histoire débute doucement en se donnant des airs de chicklit malgré une écriture sans censure. Camille est une fille jeune (27 ans) avec une job dans une entreprise de communications/conception de sites Web. Avec sa meilleure amie, Julianne, elle sort tous les soirs de la semaine. Elle vit un état de stand-by après avoir vécu une relation amoureuse toxique et plusieurs malheurs.

Assez rapidement, le roman amorce des drames et des quêtes existentielles qui laissent entrevoir la souffrance et la solitude sous les paillettes et les vapeurs des shooters.

J’y ai vu un regard objectif et sans fard sur les relations humaines et l’importante place des réseaux sociaux dans la société. À l’ère de l’instantané, les relations Tinder se nouent et se dénouent au fil d’un clic ou d’un spasme. Les psychologues entendent les confessions, mais écoutent-ils toujours? Tout se monnaie.

J’ai adoré Camille, et je l’ai aussi détestée. Une fille pourtant de son temps, qui boit ses émotions. Au fil des Steve, Keven et Peter, d’un énième party, des pires gaffes, elle représente un douloureux reflet du mal-être d’aujourd’hui.

Un texte féministe? Assurément. Dérangeant? Certainement.

Je le recommande.

Laissez un commentaire sur cette critique

Autres critiques littéraires
Territoire de trappe

Sébastien Gagnon et Michel Lemieux

Obsolète

Alexandra Gilbert

À la maison

Myriam Vinvent