For Today I Am a Boy

15 juin 2021

Critique par Julien Renaud

Inspiré par ses trois soeurs, Adele, Helen et Bonnie, une assoiffée, une sérieuse et une indocile, qui ont toutes une part de désinvolture, Peter côtoie différentes versions de la fille qu’il pourrait et qu’il voudrait être, sans avoir le courage de ses désirs. Il cherche plutôt à cacher cette part de lui, la Sabrina jouée par Audrey Hepburn au grand écran, sans y arriver pleinement.

Il faut dire que comme fils unique d’un immigrant chinois attaché à certaines traditions, il est contraint, par son paternel, d’éteindre cette féminité, de s’y aventurer en cachette, de n’enfiler le tablier qu’en l’absence de regards.

«La simple caresse de mes paumes sur mes jambes, pour égaliser la mousse, était délicieuse. Celle du rasoir contre mon tibia, divine.»

À l’école aussi, il doit prouver sa masculinité pour éviter les railleries, ce qui ne fera qu’accentuer son mal-être, lequel s’exprime beaucoup par la haine éprouvée envers son sexe.

«C’est une souffrance physique, profonde. Le contraire d’un membre fantôme, la souffrance de savoir que cette chose-là, cette chose que je haïssais, était toujours là. Chaque jour, je devais la regarder. Chaque jour, je devais l’utiliser.»

La pression sociale pour la normalité est ainsi un thème qui couvre chacune des pages de ce roman puissant et tellement bien écrit.

«Joue pas avec son maquillage, Peter. […] T’as l’air fou. Nouveau regard dans le miroir de poche. J’avais l’air magnifique.»

Ce roman est un appel à la liberté en matière d’identité de genre, un récit poignant par l’expression de cette douleur qui bouille quand on se sent mal dans sa peau, une oeuvre nécessaire pour insuffler une dose de courage.

Peter finira par quitter Fort Michel, en Ontario, pour vivre seul à Montréal, ville de diversité, où il sera graduellement introduit à l’univers des possibles, que ce soit en découvrant que son collègue, le roi de la cuisine aimé de tous, est un homme trans, en s’égarant dans le lit d’une amante âgée sadomasochiste ou en écoutant les fantasmes religieux d’une homosexuelle «réformée».

Mais arrivera-t-il à se libérer de son réflexe pour la cachette? Se risquera-t-il plus loin que de boutonner sa chemise de travail à droite, le côté des filles? Continuera-t-il d’attendre d’être dans son petit appartement pour revêtir une robe et des talons, pour se maquiller et se coiffer? Finira-t-il par s’accorder au féminin?

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