Touchée

07 avril 2022

Critique par Julien Renaud

Je suis enthousiaste à l’idée de vous partager cette merveilleuse découverte, que je dois attribuer à un ami de l’autrice. Le roman Touchée, de Manon Vincent, a été publié par la maison d’édition dont elle est la cofondatrice. Ça se rapproche donc d’une autoédition.

Qui dit autoédition dit boîte à surprise – positive ou négative. Et dit parfois quelques défauts d’édition, ce qui est le cas ici, avec une mise en page en deçà des standards. Mais ça s’arrête là! La surprise en question, c’en est toute une. Une méchante belle surprise! Une surprise du texte et du propos – l’essence de la littérature. Une surprise de plume et de poésie – l’essence de l’écriture.

Le roman porte bien son nom, car comme lecteur, j’ai été touché par le récit, une histoire humaine et sincère qui se devait d’être publiée, racontée, libérée et lue.

Laurence a été victime de la violence paternelle, physique et sexuelle. Elle a vécu une «première mort» à l’âge de 3 ans.

«Prisonnière de ses doigts musclés crispés de rage sous mes bras engourdis, d’une seule inspiration, j’ai tout retenu: le souffle, les cris, les larmes. C’est là que j’ai cessé de vivre pour seulement exister.»

Elle distingue «ce que l’on dit et ce que l’on tait.» Elle vit «en parallèle», se donne à fond, sans s’impliquer totalement envers les individus. Elle a son mari, exceptionnel, ses enfants, sa carrière, son public, mais elle n’est pas elle-même. L’artiste est armure ou statue. La conjointe, la mère, aussi. Son «for intérieur menace de s’effondrer au moindre coup de vent».

Cette tempête, plus que nécessaire, survient. Enfin, a-t-on envie d’affirmer, comme lecteur. Bousculée par hasard, Laurence craque, laisse parler sa vulnérabilité. Zach, engagé pour rénover sa maison patrimoniale, alors que son mari est en voyage d’affaires, deviendra la source de cette mise à nu.

«Il capte mes ondes muettes.»

Laurence acceptera enfin de se dévoiler, de retirer son enveloppe de femme imperturbable, de femme fantôme. À quoi bon vivre «pour être fausse» avec ceux qu’elle aime, ceux qui l’aiment.

«On répare!»

Elle se livrera par ficelles. Des ficelles qui s’envoleront au vent avec la lourdeur de l’enfoui. Cette relation d’amitié avec Zach sera ainsi celle de la libération.

«Comme on remonte un ruisseau jusqu’à sa source.»

Manon Vincent frappe dans le mile avec son écriture très poétique, intime et honnête, qui incarne à la perfection le propos de son roman, qui le nourrit. On retrouve d’ailleurs quelques poèmes et des paroles de chanson, ici et là, au fil de notre lecture.

«J’étourdis mes racines / Je souris plantée là / le corps en apnée / prisonnière de la terre / je vous regarde vivre / et moi j’attends la fin / Et vous, les gentils / vous m’admirez […] Touchez ma peine / qu’elle crève enfin»

L’autrice creuse, ne laisse aucune promesse de son récit inexploitée. Elle aborde des thèmes qui ne pourraient être plus pertinents, à leur plein potentiel.

«Plus de jeux entre nous / Ni de caresses ni de loups / Les femmes se tiennent debout / Une caresse, c’est tout…»

Cette oeuvre brillante se lit avec délicatesse. En toute délicatesse.

«Je meurs ma vie enfin.»

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