Découvrez les oeuvres finalistes et les commentaires des jurys !

Prix littéraires 2025 - Finalistes - Roman/Récit/Nouvelled

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Catégorie Poésie / Théâtre

 

Le jury salue la force dramatique et la finesse d’écriture de la pièce Une fête d’enfants de Michel Marc Bouchard. En construisant l’intrigue autour de trois personnages principaux, l’auteur distille une tragédie conjugale où ego, trahison et non-dits tissent une trame oppressante. David, narcissique tourmenté par son propre reflet, vacille face à la fissure qui fragilise son univers soigneusement construit. Nicolas, plus rusé qu’il n’y paraît, prépare dans l’ombre une revanche méthodique, tandis que Claire, témoin clairvoyant, lance des paroles caustiques et révélatrices. La fête se transforme en un huis clos chargé de tensions, où les rires d’enfants se heurtent à une brume envahissante et à des miroirs déformants. En filigrane, le texte évoque aussi la pression exercée sur les familles homoparentales pour projeter une image parfaite. La pièce progresse comme un souffle suspendu, menant à une finale d’une violence sans pitié, qui laisse le spectateur dans un état de trouble profond.

OEUVRE LAURÉATE

Dans ce recueil serein, Marie-Andrée Gill convie le lecteur à un voyage intérieur où le temps semble se figer et où le quotidien s’habille d’éclat. Entre prose et poésie, elle saisit la fugacité d’une ride de char ou d’un arrêt à la cabane à patates, métamorphosant ces instants en lieux de mémoire et de tendresse. La nature qu’elle dépeint, loin d’être idéalisée, est celle des pick-up, des quatre-roues et des sentiers forestiers familiers. Gill tisse un lien subtil entre l’ordinaire et le sacré, la fragilité et la force. L’angoisse, présente mais domptée, laisse place à une joie discrète, alimentée par l’émerveillement et la chaleur des liens indestructibles entre les proches. En associant français et innu, cet ouvrage rend hommage aux ancêtres. Les poèmes célèbrent l’amour retrouvé et regorgent d’images d’une intensité pérenne, telle la braise d’un feu de camp qui continue de réchauffer bien après la dernière page.


 

Catégorie Roman / Récit / Nouvelles

 

Dans ce polar aux accents de réalisme magique, Mélikah Abdelmoumen s’illustre avec une écriture maîtrisée pour raconter la quête de vérité de Mia, sœur adoptive de Simon James, journaliste retrouvé assassiné. Petite-Ville, marquée par ses profondes inégalités, son racisme latent, la pauvreté et la marginalisation, devient le berceau d’une lutte acharnée contre la corruption, la désinformation et les manipulations du pouvoir. La narration originale, mêlant documents d’archives, récits personnels et témoignages, contribue astucieusement à la construction du mystère tout en ancrant fermement le récit dans une réalité tangible et poignante. L’œuvre sonde les mécanismes variés du pouvoir et les fractures sociales qui déchirent la communauté, tout en offrant des personnages ambivalents, nuancés et profondément altruistes. Avec son sous-texte politique dense et son ambiance parfois teintée de fantastique, ce roman invite à une lecture aussi divertissante qu’engagée.

Avec ce roman au titre évocateur, Pénélope trouvera un titre (mais on pourrait appeler ça « Bill »), François Kearney invente un univers à la fois drôle et mordant, où Bill, un stylo omniprésent, joue le rôle de fil conducteur d’une fresque foisonnante. Passant de main en main, il traverse les existences de personnages hauts en couleur (médecins, caissières, animateurs radio, éducatrices) dont les failles, les travers et les cachotteries se mêlent avec légèreté. La narration, riche d’humour absurde et de digressions savoureuses, instaure une complicité ludique avec les lecteurs, qui se laissent porter par ce récit pétillant et ses notes de bas de page. Le style, vif et malicieux, transforme la banalité du quotidien en histoires truculentes. Tour à tour cocasse et espiègle, l’œuvre caricature la condition humaine pour en faire un jeu littéraire joyeux et inventif.

OEUVRE LAURÉATE

Dans ce roman qui confirme son talent rare, Kev Lambert se distingue par sa plume accomplie, alliant un regard pénétrant à une capacité rare de donner voix aux pensées secrètes et interdites des enfants. En alternant les perspectives intergénérationnelles, iel esquisse un portrait nuancé et vivant des retrouvailles familiales, marquées par des blessures profondes telles que le divorce, le harcèlement ou encore le rejet. Le Dôme, espace puissant inspiré des jeux vidéo, devient le terrain symbolique où Zoey et Émie-Anne affrontent leurs peurs, leurs traumatismes et affirment leur transformation. Lambert restitue avec brio la langue québécoise, reproduisant la vivacité des échanges, la richesse des expressions et l’atmosphère propre à une famille régionale. À travers cette plongée dans l’intériorité infantile, iel révèle la difficulté des adultes à percevoir l’intensité de cette identité en mutation, souvent incomprise et banalisée.

 


 

Catégorie Jeunesse

 

OEUVRE LAURÉATE

Dans le club vidéo de Thomas Dufour, première œuvre à la voix prometteuse, le deuil amoureux prend une ampleur dramatique et poétique, évoquant l’intensité des premières ruptures. L’écriture percutante et rythmée oscille entre tragédie et comédie. Dialogues vifs, humour sensible et apparition fantomatique dans une ambiance rétro donnent à ce récit une allure de court métrage. Le style proche du théâtre, à la fois authentique et sans complaisance, se prête à une lecture à voix haute. L’objet-livre — couverture intrigante, typographie verte — séduit autant que son contenu. Le récit parle d’une désorientation momentanée : il touche à la détresse, à l’envie d’en finir, mais montre qu’on peut rebondir. Avec empathie, l’auteur parvient à faire ressentir le ridicule de la peine sans la tourner en dérision. Grâce à une fin heureuse et porteuse d’espoir, ce roman adressé aux adolescents offre un miroir émouvant de leurs chagrins les plus intimes.

Dans Toxiques de Sébastien Gagnon et Michel Lemieux, un adolescent lutte contre l’intimidation et l’instabilité d’un environnement familial précaire. Ancré dans les années 1990, le récit mêle habilement réalisme et mystère autour du pouvoir énigmatique des végétaux. La langue, riche en images saisissantes, dépeint un cadre rural où les liens sociaux, notamment à la polyvalente, se révèlent complexes et chargés de tension. Les dialogues, forts et bien sentis, exposent une colère corrosive et un désir grandissant de vengeance. Les chapitres, ponctués de références musicales de la décennie, transportent le lecteur dans une période où l’adolescence rime avec épreuve et révélation. Loin de toute morale, le roman explore l’attraction inquiétante de la magie et de la puissance maléfique, tissant une trame narrative fascinante entre quête de soi et dérive surnaturelle.

Dans cet album de Valérie S. Langlois, une brigade d’animaux loufoques menée par la brillante Prof Planète s’attaque à la pollution plastique dans une aventure aussi drôle qu’éclairante. Aux côtés de Rana Rainette, Hélix Escargot et Taraxa Pissenlit, les lecteurs plongent dans une mission futuriste où science et imagination s’entrelacent. Documentaire fictionnel aux illustrations éclatantes, ce livre sensibilise aux microplastiques, nanoplastiques et autres polluants invisibles. Un double glossaire, scientifique et imaginaire, enrichit l’expérience et différencie les faits réels des inventions ludiques. À travers des péripéties fantaisistes, l’autrice transforme des notions pointues en idées concrètes et engageantes. Ce récit frétillant et intelligent invite les enfants à comprendre et agir : un véritable tremplin vers la curiosité et l’éveil écologique, une lecture qui élève les consciences et inspire des gestes simples pour protéger la planète.


 

Catégorie Intérêt général

 

Rares sont les ouvrages qui combinent, avec autant d’élégance, rigueur scientifique et cordialité. Fruit d’une recherche exhaustive, ce volume rassemble des témoignages recueillis entre 1930 et 1970 auprès des premiers colons européens du Saguenay–Lac-Saint-Jean, ainsi que quelques voix autochtones. À travers une langue populaire d’antan, il restitue fidèlement les usages, les coutumes, la foi catholique, l’agriculture, le travail forestier, la vie familiale, les enjeux politiques et les événements marquants tels que le Grand Feu de 1870. Chaque chapitre s’ouvre sur une présentation éclairante qui inscrit les récits dans leur contexte historique. Une sélection photographique pertinente illustre cette œuvre de mémoire méticuleuse. Accessible au plus grand nombre, cette précieuse compilation éclaire sur les réalités d’une époque lointaine, honorant la sueur, le courage et la solidarité des bâtisseurs de la région.

OEUVRE LAURÉATE

Avec La beauté de Cléopâtre, Mustapha Fahmi s’intéresse à la pièce Antoine et Cléopâtre pour creuser l’interaction entre passion et politique, ambition et destinée. Spécialiste de Shakespeare, il démystifie cette histoire par des exemples où se croisent grands philosophes, figures historiques et réflexions personnelles. L’art du fragment favorise une lecture dynamique, relayant moments de poésie, aphorismes lumineux et analyses précises. Loin de se limiter à l’étude littéraire, Fahmi sonde les fondements du monde moderne, interrogeant la force de l’amour et la fragilité du pouvoir. Optimiste et porteur de beauté, il démontre comment la littérature peut devenir un tremplin vers une meilleure compréhension de la société. Entre érudition et simplicité, il façonne un texte qui s’adresse au lecteur d’égal à égal. Ce livre, qu’il est possible d’ouvrir au hasard et de relire à l’infini, se savoure comme une conversation nourrissante avec un ami qui éclaire sans éblouir.

Par une prose élégante et une argumentation rigoureuse, Chantale Proulx livre une réflexion saisissante qui examine la condition féminine à travers le prisme de l’essentialisme et de la créativité. Son ouvrage, fondé sur un vaste corpus de références mythologiques et philosophiques, articule subtilement passé et présent, soulignant la ténacité des femmes face aux défis imposés par l’humanité. Avec un style dense mais limpide, émaillé de métaphores évocatrices et d’une spiritualité implicite, l’autrice révèle une vulnérabilité sociale persistante qui appelle à une vigilance constante et à une lutte sans relâche. S’appuyant sur une recherche approfondie, ce texte savant évoque mythologie, philosophie et enjeux contemporains pour observer la symbolique et la place du genre féminin dans un monde en évolution. Cette œuvre éclectique impose un point de vue éclairé et encourage une défense inlassable des droits et de la reconnaissance des femmes.


Catégorie Découverte

*Ce prix est décerné à un·e auteur·rice dont la première publication, en lice dans l’une des quatre autres catégories, révèle un grand potentiel à faire œuvre d’écrivain·e.

 

L’oeuvre de Thomas Dufour est également finaliste dans la catégorie Jeunesse déjà présentée ci-dessus.

 

OEUVRE LAURÉATE

Témoignant d’une voix déjà affirmée, ce premier roman délicat et riche de potentiel investit le vide du ciel d’une puissante charge symbolique. Privé de ses étoiles, le monde semble figé dans une errance douce. Pourtant, quelque chose résiste : un geste artistique, une attention au silence, un fil tendu entre hier et demain. Le merveilleux affleure sans jamais dominer, offrant un contrepoint au poids du réel. Le récit devient alors un territoire de mystère, traversé d’éclats d’imaginaire, tout en demeurant ancré dans l’intime. Le rythme lent épouse cette quête intérieure avec sensibilité. Sans théoriser, le texte conjugue profondeur et simplicité, il suscite un sentiment de calme, de splendeur discrète, et surtout, une envie renouvelée de lire, d’écrire, de rêver. Œuvre subtile et lumineuse, elle donne au silence une texture, à l’absence un sens, et rappelle comment la littérature trace les contours du réel.

Les commentaires des jurys ont été rédigés par Sandra F. Brassard.