Walmart : journal d’un associé

28 février 2021

Critique par Julien Renaud

Passionné par le journalisme d’immersion, Hugo Meunier, de La Presse, s’est infiltré pendant trois mois dans une succursale Walmart de Montréal, en 2012. Dans Walmart: journal d’un associé, il témoigne de sa routine de travail et de ses aventures quotidiennes, en plus de dresser un portrait plus global du colosse américain du commerce de détail.

Bien qu’il y ait moins de rebondissements que dans une mission d’infiltration dans un cartel de la drogue, le résultat est intéressant. Il y a des aspects farfelus qui font penser à une secte, dont le traditionnel cri de ralliement et les séances de formation pas du tout au goût du jour; des clients qui en font voir de toutes les couleurs, qui insultent sans gêne et qui goûtent aux craquelins dans les allées; des conditions de travail peu reluisantes et un antisyndicalisme presque pas caché. Sans oublier l’utilisation perverse de la psychologie pour s’assurer de la docilité des associé.e.s, à coup de menaces de bonus annuel à la baisse ou de fermeture. Un portrait de son quotidien d’associé qui tire sur la caricature, mais qui demeure pourtant bien réel…

Au-delà de sa routine d’associé, dans un chapitre intitulé «Pèlerinage à Walmartville», Hugo Meunier se rend à Bentonville, un village perdu au nord de l’Arkansas, où est né le géant américain. Puis, il aborde l’épisode hostile de syndicalisation au Walmart de Jonquière, qui a mené à la fermeture de la succursale et à une bataille juridique très médiatisée. Enfin, il nous présente une parenthèse mexicaine, pendant laquelle il visite une succursale de Mexico. Trois perspectives qui élargissent le propos – et l’intérêt – du livre.

J’ai particulièrement apprécié le chapitre sur l’antisyndicalisme, avec le cas d’espèce du Walmart de Jonquière. Hugo Meunier est allé à la rencontre de certains acteurs de ce chapitre peu reluisant. Patrice Bergeron et Gaétan Plourde ont payé très cher leur combat, mais quand la Cour suprême leur a donné raison, en 2014, ils ont eu une petite fierté d’avoir «botté les fesses des Américains».

En bon journaliste, l’auteur a réussi à mettre la main sur la «Trousse d’information pour demeurer non-syndiqué à l’intention du personnel de gérance», laquelle ne passe pas par quatre chemins. L’équipe de gestion y est présentée comme la «première ligne de défense contre la syndicalisation». On y retrouve des numéros confidentiels en cas de tentatives de syndicalisation, les signes distinctifs du syndicaliste et une liste d’arguments pour plaider l’inutilité du syndicalisme. Les syndicats ne sont bons qu’à prélever des cotisations et à faire la grève, semble-t-il…

J’ai malheureusement eu du mal à embarquer, en raison d’une mise en contexte peut-être un peu trop longue et personnelle – l’auteur s’accorde trop d’importance –, d’un rythme inégal et d’une écriture en deçà de mes attentes. Néanmoins, j’ai somme toute apprécié ma lecture, surtout dans la seconde moitié.

Walmart: journal d’un associé n’est pas le récit de journalisme d’immersion le plus captivant, mais l’ouvrage demeure intéressant et pertinent. Il illustre de quelles manières la multinationale mise sur la précarité pour conserver son rapport de force, en toute indécence.

En bonus, les crisettes des clients rendent le tout très sympathique, voire risible!

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