Tout est ori
07 novembre 2021
Critique par Julien Renaud
Voilà une oeuvre différente, audacieuse… et difficile à commenter!
D’abord, Paul Serge Forest mérite amplement le prix Robert-Cliche, remis annuellement au meilleur premier roman par un jury indépendant. Il s’agit d’un récit complexe et ça prend un sacré génie pour imaginer une telle intrigue, pour enfanter une idée aussi inédite, et la livrer avec une si grande habileté.
L’ori ne ressemble à rien. Certains souffrent en la regardant, leur corps refusant cet affront d’ignorance; d’autres arrivent à la savourer. Mais tous, les yeux brûlés ou étincelants, s’exclament : «Wow. Wow. Wow. Wow.»
C’est Mori qui en a la recette. Un Japonais qui se retrouve à Baie-Trinité, sur la Côte-Nord, là où les Lelarge, qui contrôlent le marché, exploitent une usine de fruits de mer. Sa présence dérange, surtout qu’on n’arrive pas à comprendre ses réelles intentions et qu’il se rapproche de Laurie, la cadette rebelle de la famille.
Insaisissable. Voilà un juste terme pour définir Mori et la recette de l’ori, qui demande de l’humain et du mollusque, de la conscience et de l’organique.
Le roman s’articule sans pudeur. Il y a des déviances, du sperme – beaucoup de sperme –, de la diarrhée, des drogues, de la sorcellerie, des coups bas. On se sent parfois de trop, délictueux, voyeur.
Le récit se nourrit d’un environnement maritime que l’on devine grandiose, d’intermèdes informatifs sur les différents fruits de mer, de personnages sans nuances, d’intrigues secondaires – financières, familiales ou amoureuses. Et, enfin, d’une plume agréable à lire, fluide et sans prétention.
Dans mon cas, l’ambiance et les personnages secondaires – mon coup de coeur va à Goyette – ont joué pour beaucoup dans mon appréciation globale. J’applaudis l’intrigue centrale, inédite et déroutante, mais je salue aussi tout le reste, sans quoi j’aurais été étourdi par la part d’inintelligibilité.
Tout est ori, c’est un exploit. Pas le choix de le reconnaître. Des perles éparses que l’auteur arrive à rassembler, malgré une complexité qui a peu d’égal.
L’auteur se joue de nous, nous déjoue à quelques reprises, mais quand l’on doit s’avouer défait, on le fait avec le sourire du perdant qui respecte le jeu de l’autre.
Paul Serge Forest, chapeau, tu as gagné!
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