Soleil

31 octobre 2020

Critique par Julien Renaud

«Souleye et sa famille arrivent du Sénégal et s’installent à Montréal. Ils veulent ‘‘devenir d’ici’’, ne pas se retourner. Mais tout ne se passe pas comme prévu, et P’pa se retrouve dans le sous-sol de l’appartement, où il se met à creuser un trou. Ou est-ce un puits? Son esprit semble en transit entre deux continents.»

Soleil était un livre sur mesure pour moi. Et il est arrivé au bon moment!

Je suis un amoureux du Sénégal, depuis mon séjour au pays de la teranga (hospitalité) en 2015. Quelques jours avant d’entamer cette lecture, mon meilleur ami sénégalais m’a informé de sa décision de traverser la mer en pirogue, de nuit, à destination de l’Espagne. Tout était réglé, et les dangers d’une telle traversée, de même que la réalité rude des migrants clandestins et la richesse humaine qu’il laissait derrière, n’ont pas suffi à le retenir. Pour lui, son pays est un frein à son potentiel, et il en a marre de cette détresse psychologique. Heureusement, des circonstances exceptionnelles ont finalement empêché – ou plutôt repoussé – son départ. Quelques semaines plus tard, une centaine de migrants mouraient en mer, dans l’incendie de leur pirogue trop pleine de promesses déformées.

Soleil s’est ainsi présenté dans ma vie dans un moment de grande impuissance. Le jeune narrateur, Souleye, a su décortiquer les émotions que je ressentais et décrire un paysage dont quelques détails m’échappaient, tout en nuances. Faut croire que seul un enfant pouvait naviguer dans cette dualité sans s’arrêter en chemin et, ainsi, en dégager tant de lucidité. Souleye creuse jusqu’au bout, comme son père, ce qui en fait un personnage marquant.

Le roman m’a donc bouleversé. En plus du mirage de la migration, le choc de la chaleur humaine, la naïveté salvatrice de la jeunesse, la volonté de se fondre dans un monde défini, la perte de repères et la santé mentale sont d’autres thèmes abordés, avec cette intelligence d’enfant ô combien plus puissante que la nôtre. L’auteur s’efface, tellement son personnage est complet, et l’écriture est parfaitement secondaire à la richesse de l’esprit de Souleye.

Il y a une histoire d’amitié, une histoire de déracinement, une histoire de choc culturel et une histoire de famille ébranlée par des troubles qu’elle ne contrôle pas. Tout ça pourrait former un cocktail trop lourd pour y trouver plaisir, mais avec ce narrateur à l’esprit libre, candide, pur, tout s’accompagne d’une touche de sincérité et de légèreté qui fait du bien, qui donne espoir. Une dose d’humanité.

Ce roman m’a nourri. Il y a des problèmes qu’on ne peut résoudre, trop grands pour nous, et la vie est ainsi faite. Néanmoins, la résilience de ce narrateur-soleil m’a réchauffé le coeur et l’esprit.

Soleil, c’est un portrait lumineux de sujets sombres. C’est une main réconfortante sur l’épaule. Une main tendue vers l’autre. Une prise de conscience tout en douceur.

Merci, David Bouchet! 

Laissez un commentaire sur cette critique

Autres critiques littéraires
Territoire de trappe

Sébastien Gagnon et Michel Lemieux

Obsolète

Alexandra Gilbert

À la maison

Myriam Vinvent