Sois toi et t’es belle
13 avril 2021
Critique par François-Bernard Tremblay
Si je ne m’étais pas écouté, j’aurais probablement dévoré d’une traite l’autobiographie d’Ève Salvail, caché dans le petit coin de la librairie où je me trouvais. Vous savez quand on bouquine: on fouine, on erre dans les rangées, jusqu’à débusquer un trésor inattendu. C’était ce genre de moment que je vivais. J’avais entraperçu la mannequin à la télévision avant les Fêtes, sans trop avoir pris connaissance de ce qui l’amenait en entrevue au Québec. De toute façon, aurait-elle besoin d’une raison de plus pour y être invitée? Ève Salvail, l’orgueil du mannequinat québécois à travers la planète mode. Ève Salvail, avec sa dégaine de méchante dans le film «Le cinquième élément», de Luc Besson. Ève Salvail, la célèbre DJ oeuvrant dans les partys partout à travers le monde.
Personnellement, j’avais plusieurs bonnes raisons d’être attiré par cette pépite d’or. J’ai toujours été un grand fan de défilés de mode: les mannequins, les designers, les catwalks, les photographes. Toute cette jungle m’a toujours parlé.
Habituellement, lorsque vient le temps de donner mes suggestions de cadeaux de Noël, je n’ai pas beaucoup d’idées, mais quand le sujet est apparu sur la table cette année, j’avais au moins une réponse: «Le livre d’Ève Salvail. Mais si personne ne me l’offre, j’irai me l’acheter au Boxing Day!» Évidemment, le message était bien clair et ma belle-fille s’est chargée d’exaucer mon souhait.
Je parle, je parle, mais sérieusement, je ne connais pas beaucoup notre icône québécoise. Étant un fan fini du grand créateur Jeremy Scott, c’est surtout aux célèbres looks d’Ève pour Moschino que je pense d’abord.
Sois toi et t’es belle est un livre tantôt touchant, tantôt très terre à terre. On sent bien que Salvail n’a d’autre choix que de nous raconter des pans de sa vie que les lecteurs curieux que nous sommes veulent connaître. Mais l’auteure/mannequin/DJ/comédienne/designer possède aussi plusieurs personnalités qu’elle nous permet de découvrir au fil des pages. L’autobiographie s’ouvre sur l’enfance de la jeune Ève, qui, déjà à l’époque, s’organisait pour être le centre d’intérêt lors de spectacles improvisés pendant les rencontres familiales. À l’école, punk et marginale, l’adolescente se sent plutôt seule dans son coin. Elle-même et les gens qui l’entourent sont loin de se douter qu’elle est à l’aube de devenir l’une des plus belles femmes du Québec et mannequin à l’international. Plus nous avançons dans la lecture de son autobiographie, plus nous rencontrons une Ève forte et fragile à la fois. La jeune femme a dû faire sa place dans ce milieu, dans cette jungle endiablée. Elle raconte des anecdotes, ses rencontres marquantes, ses occasions ratées.
Ève Salvail a tourné dans quelques films, dont Le cinquième élément. Mais elle raconte dans son autobiographie qu’elle avait plutôt été pressentie par le scénariste et réalisateur du film, Luc Besson, pour y tenir le rôle principal de Leeloo, celui-là même qui a propulsé Milla Jovovich au rang de star du grand écran. Cependant, vivant une relation amoureuse toxique avec sa conjointe de l’époque, elle doit décliner l’offre de Besson: «J’ai donné un coup de fil à monsieur Besson, des mois après cette fuite sans préavis, pour lui présenter mes excuses et lui demander s’il voulait bien me confier un petit rôle dans son film…» (p.163)
L’univers du mannequin est truffé de dépendances amoureuses, à l’alcool et aux drogues qui vont venir pallier les besoins de stabilité et d’amour de la jeune femme. Plusieurs appartements, villes, pays, taxis, chauffeurs, journées sans prendre de repas; la jeune femme et ses différentes personnalités apprennent à vivre toutes ces années dans une valise. Ève Salvail vit un parcours initiatique où elle va finir par se choisir et s’aimer.
Je ne suis pas un grand lecteur d’autobiographies. Mais je ressors certainement grandi et ému par celle d’Ève Salvail. Peut-il y avoir plus belle réponse, plus belle conclusion, pour une fille qui s’est dit souvent dans la vie «Sois belle et tais-toi» que le «Sois toi et t’es belle» qu’elle clame comme une victoire?
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