L’oiseau moqueur

30 mai 2021

Critique par Julien Renaud

L’oiseau moqueur, publié en 1980 et réédité en 2021, s’inscrit dans la lignée des romans d’anticipation, de dystopie et de science-fiction à la 1984 de George Orwell et Le meilleur des mondes d’Aldous Huxley. Je m’explique mal qu’il ne soit pas considéré comme une référence, un classique, lui aussi, car c’est un véritable bijou littéraire, où tout est dosé à la perfection.

Le récit s’articule autour de trois personnages principaux: Robert Spofforth, un robot de classe 9 avec un esprit lucide qui s’approche du cerveau humain; Paul Bentley, un professeur de l’Université de New York qui découvre l’histoire par les films muets et les livres; et Mary Lou, une jeune femme qui refuse de se conformer au système. Le premier, morose, rêve de se suicider, mais sa programmation l’en empêche; le second, emporté par ses apprentissages, cherche à retrouver l’humanité désincarnée par le conditionnement et les tranquillisants; la dernière, rebelle, pourrait donner naissance à un enfant, le premier depuis trop longtemps.

«Une société hantée par la mort mais qui n’était pas assez vivante pour le savoir.»

Devant cette société éteinte, ensommeillée, où les immolations s’accumulent, Bentley et Mary Lou découvrent la lecture, l’histoire, le sens de la communauté et l’amour. Ils réalisent petit à petit qu’une vie qui mérite ce terme a déjà été vécue et mérite d’être vécue de nouveau. Ils apprennent à voir le monde différemment. Non à l’insensibilité; oui au bonheur. Non à la passivité; oui à la curiosité intellectuelle.

«Je ne voulais plus imposer le silence à mon esprit, ni l’utiliser comme un simple catalyseur de plaisir. Je voulais lire, je voulais penser et je voulais parler.»

Ce roman est exceptionnel. L’auteur arrive à y livrer une critique sociale qui frôle la prémonition, sans que le système qui y est dépeint ne vienne étouffer la portée humaine. Il n’y a rien de trop et rien ne manque dans ce récit fluide et engageant. Certaines tournures de phrases sont magnifiques, empreintes de lyrisme, et la description des émotions profite de la candeur, de l’ignorance, des personnages.

Sans oublier que Walter Tevis, via ses personnages et de façon organique, livre un vibrant plaidoyer pour la lecture, la mémoire et l’histoire.

«Ce sont tous ces livres, même les plus ennuyeux et les plus hermétiques, qui m’ont aidé à comprendre ce que cela signifiait d’être un être humain.»

En un mot, cette œuvre est entière.

«Seul l’oiseau moqueur chante à l’orée des bois.»

***

Pour lire la critique d’Isabelle Blier, cliquez ici.

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