Les garçons courent plus vite
17 février 2021
Critique par Julien Renaud
J’ai pris la résolution de découvrir de nouveaux styles littéraires en 2021… et je ne le regrette pas!
Pour mon premier slow avec la poésie, j’ai opté pour un ouvrage court, concentré sur un sujet bien tangible et pas trop lyrique: le test de Léger, ou test bip bip pour les intimes.
Les garçons courent plus vite, de Simon Boulerice, c’est une quarantaine de pages articulées autour de ce test d’effort physique qui m’a fait sourire et sacrer au fil des années. C’est que mes capacités ont varié au fil de l’enfance et de l’adolescence, passant du petit joufflu incapable de suivre à un coureur capable de rivaliser avec les meilleurs… pour revenir au même petit joufflu pas trop performant.
Simon Boulerice, lui, campe ce rôle. Pour lui, le test de course navette est un cauchemar inévitable. Et il en veut à Luc Léger.
«je connais mieux que quiconque / le goût de l’échec de la grâce»
«je gravis les damnés paliers de ma honte / le coeur fêlé dans la gorge»
«je connais ma mère monoparentale / sur le bout des doigts rongés croche / mon corps est découpé / dans la même déception / même souffle court / autour de nos os opulents»
Mais là où l’oeuvre percute, bien au-delà de l’empathie ressentie pour ce non-coureur obligé de courir à son échec, c’est dans l’expression de son homosexualité, de ses désirs.
«vos mollets rebondissent / avec un port de reine irréprochable / baromètres hystériques de tout ce que j’éprouve / je suis lent et lourd et traversé de désirs derrière vous / votre virilité en fût ne me concerne pas / ça pulse dans mon sexe / (je vous hais) / (je vous hais) / (je vous hais) »
«votre arrogance Energizer / votre beauté Duracell sous les pommeaux / celle qui dure après la nudité / l’eau qui gicle sur vos muscles de quinze ans / apprentis Rocky / cordés en ordre chronologique de mon appétit»
Et dans l’intimidation qui l’accompagne trop souvent, encore aujourd’hui.
«vous me regardez vous regarder / vos muscles de quinze ans deviennent prudes / ne le prennent pas / vous lisez dans mon jeu de désirs et de hasards […] / ma tendreté en prend un coup / c’est une pluie de poings sur ma carcasse / vous dégoupillez sur moi / petits Sylvester Stallone en devenir»
«Il me faudra courir jusqu’à la case survie», dit «un Bouboule dévasté d’amour» capable d’«être ému par le parc d’ombres de la cuisine / où les arbres sur le plancher / ouvrent trop grand leurs bras».
«j’ai manqué l’autobus / comme je manque ma vie d’adolescent / traversé de désirs»
Une lecture très courte qui dure dans notre tête et dans notre coeur. Impossible de ne pas relire Les garçons courent plus vite, à intervalle, des allers-retours en écho. Bip. Bip.
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