Le fil du vivant
14 juillet 2022
Critique par Isabelle Blier
« Sans rien dire, ma mère m’a montré ce qu’elle avait été avant de devenir mère. Elle disait : ” Regarde, tu auras plusieurs vies. Aucune ne te résumera. Aucune ne te contentera. Aucune n’effacera l’autre. ” Elle disait: ” Tu peux te perdre autant que tu veux, ma fille, fuir d’où tu viens, tu resteras celle que tu as été.” »
Il pleut depuis plusieurs jours. Montréal est sur le point d’être inondée. Iona doit quitter sa maison. Mettre ses petits à l’abri. Nils, son amoureux, a tout prévu. Mais elle, elle voudrait rester. Elle est tiraillée entre son désir de s’enfuir et celui de rester ancrée dans sa maison, avec ses enfants. Tiraillée entre sa vie de famille rythmée par ses obligations de mère et ses souvenirs de jeunesse, où elle recherchait les sensations fortes, les vertiges. Ses souvenirs de jeune danseuse rigoureuse qui carbure à la dopamine, qu’elle soit naturelle ou artificielle.
« Ce que la dope avait réussi à desserrer – ce corps travaillé en musculature, une armure contre les envahisseurs – s’était replié. J’ai découvert que je pouvais avaler le monde, jusqu’à ce que la dope m’avale. J’ai rangé les jeux, refermé la boîte. Je suis rentrée dans le rang. Puis, un jour, on m’a ouvert le ventre pour faire naître mon enfant. »
Elle suit tout de même les siens, loin de la civilisation, pour tenter de survivre loin du chaos.
De sa plume magnifique, Elsa Pépin démontre à petite échelle à quel point nous réagissons différemment devant une catastrophe, devant l’inconnu. S’il arrive que l’entraide soit présente dans les pires moments, les déchirements le sont aussi, plus blessants que jamais. Elle aborde également la maternité et ses contradictions : la volonté de tout contrôler pour protéger ses enfants et le désir de tout quitter sans regarder derrière.
Une magnifique lecture !
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