I’m Thinking of Ending Things
09 novembre 2020
Critique par Émilie Morin

«Avant ce moment, avant ceci, avant ce soir, quand n’importe qui me demandait la chose la plus effrayante qui m’était jamais arrivée, je leur racontais la même histoire. Je leur parlais de Mme Veal. La plupart des gens à qui je la raconte ne trouve pas cette histoire effrayante. Ils semblent ennuyés, presque déçus quand j’arrive à la fin. Mon histoire n’est pas comme un film, dis-je. Elle n’arrête pas votre coeur de battre, n’est ni intense ou sanglante ou graphique ou violente. Pas de sursauts. Pour moi, ces qualificatifs ne sont pas effrayants. Quelque chose qui désoriente, qui ébranle ce qui est pris pour acquis, quelque chose qui perturbe et trouble la réalité – ça c’est effrayant.» (P. 172, traduction libre)
Ces quelques lignes résument bien l’atmosphère qui règne dans ce roman de l’auteur canadien Iain Reid. «Vous serez effrayés, mais vous ne saurez pas pourquoi», nous signale la quatrième de couverture. Dans I’m Thinking of Ending Things, une narratrice inconnue se rend avec son petit-ami, Jake, chez les parents de celui-ci. Il y a une tempête de neige, il fait noir, et la ferme des parents de Jake est au beau milieu de nulle part. Le trajet est étrange, l’ambiance est lourde, les conversations ne mènent à rien, et l’arrivée à la ferme n’améliore pas les choses. Comme lecteur ou lectrice, on se demande rapidement où ça nous mène. En effet, même si la narratrice nous répète sans cesse qu’elle pense mettre un terme à sa relation avec Jake, on sent que ce n’est pas vraiment de ça dont il est question pendant le récit, mais on se sent quand même incapables de mettre le doigt sur le problème. Tenu.e en haleine, on continue de lire, et ce n’est qu’au moment de la résolution que l’on comprend toute l’ampleur et toute la complexité de l’histoire.
Les lecteurs et lectrices qui ne jurent que par l’action seront probablement incapables de passer au travers de ce (pourtant court) ouvrage. Le rythme y est très lent, et la plupart des conversations entre la narratrice et les autres personnages paraissent impertinentes. Tout le plaisir de ce livre se trouve dans l’atmosphère troublante qui régit chaque scène. Se situant plus au niveau du thriller que du roman d’horreur, I’m Thinking of Ending Things fait pourtant peur, c’est indéniable. Les éléments d’horreur sont exploités de façon efficace, presque pernicieuse, puisqu’ils découlent, comme précédemment mentionné, d’une opposition avec notre idée de la normalité. Chaque chapitre est entrecoupé d’une conversation entre deux inconnu.e.s, qui discutent d’un tragique événement, dont on ignore les détails. Petit à petit, très lentement, on arrive à placer certaines pièces du puzzle, mais ce sont vraiment les 20 dernières pages qui donnent tout son sens au roman. Ceux et celles qui apprécient les livres plus lents, où l’action laisse place à l’ambiance, auront le plaisir de savourer la fin de celui-ci et, chamboulés, voudront probablement le relire d’un nouvel oeil éclairé par la résolution du mystère.
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