Découvrez les oeuvres finalistes et les commentaires des jurys !
Saisons ennemies – Jessica Côté
Noroît
Dans ce premier recueil d’une sincérité désarmante, l’amour fracasse tout. L’autrice magnifie la force du désir et la douleur de voir l’autre s’en lasser. Face à la violence de sa perte, les mots deviennent un exutoire à la douleur de la rupture. À fleur de peau, la poésie dessine les motifs de la déchirure, lancinante blessure dont nous ressentons les pincements. De page en page, la raison vacille sous l’emprise du manque. L’attente déçue, le fait de se consumer sans fin, se devine dans le choix judicieux des paroles de chanson en exergue et la versification étudiée de chaque strophe. La force de ce texte repose dans sa capacité à communiquer les étapes du deuil amoureux dans toute leur intensité sans tomber dans l’excès. Le potentiel évocatoire de la poésie de Jessica Côté laisse présager un avenir littéraire prometteur, car elle réussit à illuminer de beauté les expériences les plus sombres, ce qui nous rappelle que même si l’amour fait mal, il vaut la peine d’être vécu.
Anna, ces trains qui foncent sur moi – Steve Gagnon
L’instant même
Steve Gagnon a relevé un gros défi avec cette adaptation moderne du roman de Tolstoï au théâtre. Tout se joue sur l’hypothèse d’un destin alternatif pour Anna Karénine : vivre, ne pas se jeter sous le train. Cette pièce interroge l’amitié, l’amour et leur difficile longévité, la vie, tout simplement, la vacuité du temps qui s’écoule, un million de petites flétrissures qui composent la trame de l’existence. Par des conversations en parallèle et des dialogues au rythme effréné, le dramaturge nous perd adroitement à travers un labyrinthe de paroles, d’humeurs, d’opinions plus ou moins tranchées. Nous sommes entraînés dans la spirale des douleurs, en particulier celles d’Anna, qu’on ne comprend réellement qu’à la fin, celles aussi de Jeanne, esseulée, et d’Agathe, qui se met à tuer des cerfs pour exprimer symboliquement sa rage. Polyphonique et audacieuse, cette œuvre brille par l’incarnation des personnages et l’expression nuancée de leurs sentiments.
OEUVRE LAURÉATE
La vie virée vraie – Laurance Ouellet Tremblay
Le Quartanier
Entre plongées et remontées, ce recueil aussi minimaliste qu’intimiste propose une immersion hautement introspective au cœur des paradoxes qui constituent les fondements de la personnalité. Quête de résolution de tensions internes, la poésie s’assemble en images particulièrement puissantes pour construire la mosaïque hétéroclite d’une identité écartelée entre deux inextricables extrêmes. Ce mouvement de recherche intérieure se ressent dans la sonorité du texte, riche en allitérations, ainsi qu’au sein de l’imagerie animalière régulièrement et fort adroitement convoquée tout au long du recueil. Évoquant la sauvagerie et la liberté du jazz, la prose musicale de l’ensemble de même que l’étendue des thèmes abordés favorisent l’émergence d’une généalogie de soi où les révélations de l’enfance et les désillusions de l’âge adulte forment le fil de fer que la poète funambule arpente avec autant de panache que de vulnérabilité.
Asymétrique – Valérie Jessica Laporte
Libre Expression
Asymétrique raconte l’histoire d’une jeune autiste revenue d’une longue fugue. Celle-ci vit désormais chez son père et fréquente une classe adaptée où elle développe des capacités insoupçonnées. Ce roman célèbre la différence et nous transporte de l’autre côté du miroir, dans la tête d’une personne qui conçoit la réalité sous un angle inusité. En lisant cette œuvre à la syntaxe et au vocabulaire uniques, les neurotypiques évalueront mieux l’importance d’adopter une approche inclusive. Valérie Jessica Laporte arrive à faire suivre le chemin emprunté par son personnage principal lorsqu’elle doit poser un geste ou lorsqu’elle tente d’agir comme une «fille normale». L’immersion dans les pensées de l’héroïne qui doit constamment s’adapter aux agressions de l’extérieur permet de voir à quel point chaque être humain mérite sa place et combien la collectivité gagne à reconnaître celles et ceux qui sortent du cadre.
J’étais juste à côté – Patrick Nicol
Le Quartanier
Ce roman de Patrick Nicol décrit de façon douce-amère le démantèlement de tout un système. L’auteur nous communique le désenchantement d’un individu anachronique incapable de s’ajuster à la société québécoise en changements. Grâce à son écriture accessible et mesurée, il transmet cette impression de chute dans la désuétude. Le discours désabusé et cynique de Pierre cache une détresse silencieuse : son corps le lâche, ses repères s’effondrent et les gens qu’il fréquente, pour la plupart des profs de cégep et d’université, s’égarent dans leurs drames. Les dérapages de ces personnages qui ont du vécu et de la substance attestent de l’étiolement de toute une génération perdant pied. À travers les yeux de cet homme qui se sent constamment à côté de la plaque, largué par ce qui se passe autour de lui, nous arrivons à saisir cette force souterraine de celui qui s’accroche et qui décide de cultiver son jardin personnel pour retrouver du sens.
OEUVRE LAURÉATE
Corps imaginaires – Claudine Potvin
Lévesque éditeur
Dans Corps imaginaires, l’autrice se sert de la contemplation artistique comme d’un prétexte pour illustrer les rapports humains et dépeindre leurs subtiles nuances. Musique, peinture, photographie, écriture et danse ouvrent sur tous les mondes possibles. Les personnages dévoilent leurs différences, voire leurs contradictions, devant ces formes d’art et à travers elles. L’analyse qu’ils font de l’œuvre à laquelle ils sont confrontés, cette mise en scène à première vue anecdotique, nous renseigne sur ce qui se tapit en eux et les anime secrètement. Les personnalités se révèlent selon les interprétations. Au fil du recueil, les nouvelles se succèdent avec une grande unité. Les histoires originales s’ornent d’une suite de descriptions savoureuses, d’énumérations surprenantes et d’agencement de termes qui créent des images percutantes. L’écriture sans contredit pleine de poésie de Claudine Potvin fait du rapport fond/forme un jeu d’équilibriste.
Solastalgie – Hervé Gagnon
Hugo Jeunesse
Fidèle à son habitude, Hervé Gagnon sait captiver son lectorat avec une histoire palpitante et bien construite. Dans ce roman psychologique où enquête et mythologie s’entremêlent, deux adolescents vivant dans un village reculé sont confrontés à des dieux qui décident d’en finir avec l’humanité détruisant la planète. Même leur amour ne suffira pas à les sauver face aux fléaux divins qui se déchaînent sur eux. Intéressant mélange d’éléments fantastiques et de la vie quotidienne, Solastalgie aborde avec originalité le thème de l’environnement relativement peu fréquent en littérature jeunesse. Les dommages causés par les humains et l’écoanxiété nourrissent cette dystopie qui annonce une inévitable fin du monde si nous ne changeons pas nos habitudes de consommation. Avec son scénario apocalyptique et ses images saisissantes, l’auteur montre les possibles conséquences de l’immobilité d’une société qui a reçu plusieurs signaux d’alarme.
OEUVRE LAURÉATE
Iris et Fiona un peu drama – Marianne Girard
La Bagnole
Cette œuvre d’une grande sensibilité de Marianne Girard nous plonge dans la peau d’une adolescente de façon réaliste et touchante. La narration se distingue par sa langue vivante avec son vocabulaire, ses dialogues, ses références et son style bien adaptés au public cible. L’autrice adopte un ton juste et accrocheur qui permet aux jeunes lectrices et lecteurs de s’identifier à l’héroïne. Celle-ci doit affronter le divorce de ses parents. Dans la tourmente, elle demande à sa grand-mère, une écrivaine mondialement connue, de l’héberger. À partir de là commence un été de découvertes sur l’histoire de sa famille, l’amitié, l’amour, les livres et les garçons. L’alternance des points de vue des personnages rend attachantes ces trois figures féminines fortes, mais blessées en dévoilant ce qui les unit et ce qui les sépare. Relations complexes et réconciliation intergénérationnelle enrichissent l’intrigue de ce roman jeunesse actuel qui se lit d’une traite !
Marco bleu – Larry Tremblay
La Bagnole
Cet album à la fois drôle et profond enseigne aux enfants que le gazon n’est pas plus vert chez le voisin. À la naissance de Maria-Héléna, Marco n’est plus le centre de sa famille, ce qui l’attriste. Un soir où il doit dessiner une personne extraordinaire, il manque d’idées et sa mère lui donne un cahier en lui suggérant d’imaginer une histoire pour le remplir. Il n’en faut pas plus pour lancer Marco sur une autre planète où il rencontre son double extraterrestre, Marco bleu, qui lui fait découvrir son monde. En se comparant, notre jeune héros s’aperçoit qu’il vivait dans le bonheur et qu’il aime sa petite sœur. Larry Tremblay propose une aventure fabuleuse, inspirée par Saint-Exupéry et son Petit Prince, qui explore les rêves et l’imaginaire, la créativité et l’écriture, la philosophie et la liberté d’expression. Le texte d’une grande élégance et les illustrations de qualité charmeront les tout-petits qui en découvriront le sens caché au fil des lectures successives.
OEUVRE LAURÉATE
Pour l’histoire nationale – Gérard Bouchard
Boréal
Ce livre nécessaire de Gérard Bouchard fait la démonstration rigoureuse que l’histoire nationale québécoise doit être transmise d’une génération à l’autre afin de préserver notre identité collective. La transmission culturelle s’est affaiblie à travers les années en raison des grands bouleversements de la société, ce qui a eu un impact sur le désengagement progressif des citoyens. Face à la crise actuelle qui menace nos fondements symboliques, nous devons réagir et prendre conscience des manquements de l’éducation et du Renouveau pédagogique. Nous devons arrêter de nier le fait que le présent se construit du passé pour préparer l’avenir. Il faut remettre en perspective celles et ceux qui ont bâti le Québec pour nous orienter et garder le cap. Ce courageux ouvrage relance un débat crucial qui devrait faire l’objet de nos discussions. Cette réflexion sociologique de haut niveau nous éclaire sur les pistes de solution possibles pour éviter l’écueil.
Avec ou sans Kiki – Denise Brassard
Boréal
Cet essai de Denise Brassard flirte avec le genre du récit littéraire et de la biographie : rarement avons-nous l’occasion de lire une telle œuvre portant sur un personnage historique avec une approche aussi personnelle et romancée, ce qui rend l’expérience de lecture très agréable, intimiste et originale. L’autoanalyse de la narratrice qui raconte ses recherches dans Paris nous introduit dans l’historiographie de la reine de Montparnasse, une figure française emblématique et charismatique du 20e siècle. Les parallèles entre la femme et la diva présentent Kiki sous un jour plus humain, relatant comment la beauté tant magnifiée par les peintres ne sera pas épargnée par le destin. Pour nous faire ressentir l’énergie de cette époque enflammée, l’autrice nous transporte littéralement dans les rues où se sont déroulés les faits racontés. Cette démarche de création nous met dans l’ambiance et crée un climat favorable à l’imaginaire.
L’école historique de Québec – François-Olivier Dorais
Boréal
L’école historique de Québec de François-Olivier Dorais se démarque par sa recherche approfondie sur trois figures majeures du paysage historiographique québécois, soit Marcel Trudel, Fernand Ouellet et Jean Hamelin. Les férus d’histoire seront vivement intéressés par cet ouvrage qui offre un éclairage nouveau sur l’époque de la Révolution tranquille. Dans cette œuvre colossale, intelligente et bien écrite, nous trouvons un récit détaillé des querelles entre les membres de l’école historique de Québec et ceux de l’école de Montréal, un passé méconnu du grand public qui gagne à être partagé pour mieux comprendre notre histoire intellectuelle. Cet essai manquait à notre bibliographie nationale et deviendra assurément une référence sur le sujet. Les membres du jury ont relevé la qualité indiscutable de ce livre qui offre un point d’observation privilégié afin de rendre compte de l’intrication entre notre histoire, notre culture et notre réalité sociale.
Catégorie Découverte
*Ce prix est décerné à un auteur.trice dont la toute première publication, en lice dans l’une des quatre autres catégories, révèle un grand potentiel à faire œuvre d’écrivain.e.
OEUVRE LAURÉATE
De ces hommes – Christina Brassard
David
Ce brillant essai traite d’un sujet d’actualité assez peu abordé socialement : la fausse égalité homme-femme au sein des couples hétérosexuels, voire le conservatisme rampant de l’hétéronormativité, toutes orientations sexuelles confondues. Basé sur la thèse de doctorat de l’autrice, ce texte fait appel à la littérature pour critiquer la société par le biais d’analyses portant sur la construction identitaire de personnages masculins tirés de trois romans québécois écrits par Ying Chen, Nelly Arcan et Kim Thùy. Bien articulé et vulgarisé, ce livre dénonce le patriarcat et les stéréotypes de genres. Les conclusions auxquelles parvient l’autrice y sont révélatrices des inégalités encore présentes de nos jours, bien ancrées dans l’inconscient collectif contemporain. Le talent indéniable de la plume et la pertinence inouïe du propos ont su gagner le cœur des membres du jury tout en attisant leur curiosité et leur intérêt pour ses œuvres à venir.
Saisons ennemies – Jessica Côté
Noroît
Dans ce premier recueil d’une sincérité désarmante, l’amour fracasse tout. L’autrice magnifie la force du désir et la douleur de voir l’autre s’en lasser. Face à la violence de sa perte, les mots deviennent un exutoire à la douleur de la rupture. À fleur de peau, la poésie dessine les motifs de la déchirure, lancinante blessure dont nous ressentons les pincements. De page en page, la raison vacille sous l’emprise du manque. L’attente déçue, le fait de se consumer sans fin, se devine dans le choix judicieux des paroles de chanson en exergue et la versification étudiée de chaque strophe. La force de ce texte repose dans sa capacité à communiquer les étapes du deuil amoureux dans toute leur intensité sans tomber dans l’excès. Le potentiel évocatoire de la poésie de Jessica Côté laisse présager un avenir littéraire prometteur, car elle réussit à illuminer de beauté les expériences les plus sombres, ce qui nous rappelle que même si l’amour fait mal, il vaut la peine d’être vécu.
Les commentaires des jurys ont été rédigés par Sandra F. Brassard.